Notre-Dame : Philippe annonce des mesures pour tenir « le défi immense » de reconstruire en cinq ans
Un concours international d’architectes, un soutien fiscal aux dons et un projet de loi pour une souscription nationale : le Premier ministre a annoncé mercredi une série de mesures pour tenir le « défi immense » de reconstruire Notre-Dame de Paris en cinq ans lancé la veille par Emmanuel Macron.
« C’est un défi immense, une responsabilité historique, le chantier de notre génération et pour les générations qui nous succéderont », a déclaré Édouard Philippe à l’issue d’un Conseil des ministres entièrement dédié à la reconstruction de Notre-Dame ravagée par un incendie lundi soir, et pour laquelle toutes les cathédrales de France sonneront mercredi à 18H50.
Emmanuel Macron devait présider à 16H00 à l’Élysée une réunion pour le « lancement de la reconstruction », aux côtés de M. Philippe et de personnalités.
« Nous rebâtirons la cathédrale plus belle encore et je veux que ce soit achevé d’ici cinq années », avait déclaré dans une allocution télévisée mardi soir le chef de l’État, qui avait annulé lundi en catastrophe, en raison de l’incendie, son intervention en réponse à la crise des Gilets jaunes et au grand débat. Cet objectif marque « la volonté de porter un projet ambitieux pour montrer que cette reconstruction est un impératif collectif », a justifié Édouard Philippe alors qu’on lui faisait remarquer que la date visée coïncide avec l’échéance des Jeux olympiques de 2024.
« La France est au rendez-vous, l’État sera au rendez-vous, la mobilisation a d’ailleurs déjà commencé », a-t-il ajouté en référence à la vague d’émotion planétaire suscitée par l’incendie et à l’afflux inédit de centaines de millions d’euros de dons pour financer la reconstruction.
Édouard Philippe a annoncé un projet de loi pour donner un « cadre légal » à ces dons, avec en particulier une réduction fiscale dérogatoire de 75 % pour ceux de particuliers jusqu’à 1 000 €, contre 66 % au-delà de cette somme, tandis que « les entreprises bénéficieront des réductions d’impôts, dites de mécénat, dans les conditions actuelles ».
Reconstruire la flèche ?
Concernant la flèche effondrée, un concours international d’architectes sera lancé. Il devra « trancher la question de savoir s’il faut reconstruire une flèche, s’il faut la reconstruire dans les mêmes conditions, à l’identique » de celle imaginée par Eugène Viollet-le-Duc au XIX siècle, « ou s’il faut (…) se doter d’une nouvelle flèche adaptée aux techniques et enjeux de notre époque ». Connaît-on le coût total du chantier de reconstruction du monument historique le plus visité en Europe (12 millions de touristes en 2017) ? « Non », a-t-il répondu laconiquement.
Déjà les contributions ont afflué en masse, d’Apple à la Banque centrale européenne en passant par des milliers d’anonymes, dépassant les 800 M€ mercredi midi.
Le géant pétrolier Total a offert 100 M€, comme la famille Pinault;le groupe LVMH et la famille Arnault, première fortune de France, 200 M€, de même que la famille Bettencourt-Meyers et le groupe L’Oréal.
La mairie de Paris, qui a accueilli plusieurs œuvres sauvées des flammes, a débloqué 50 M€.
Mais la mobilisation éclair de milliardaires et de grands groupes est critiquée par des responsables politiques et syndicaux ainsi que des Gilets jaunes déplorant leur implication bien moindre contre « la misère sociale ». Face au tollé, la famille Pinault a renoncé à sa réduction d’impôts. « Nous devons nous réjouir de ce que des personnes physiques très nombreuses et parfois très modestes, que des personnes physiques moins nombreuses et parfois très riches, que des entreprises souhaitent participer à l’effort de reconstruction », a répondu Édouard Philippe.
Polémique « minable »
Loin de la « trêve » dans la bataille politique voulue par certains partis, Manon Aubry, tête de liste La France insoumise pour les élections européennes, a estimé que « le plus simple (pour ces entreprises) serait déjà de payer leurs impôts, plutôt que de médiatiser des dons défiscalisés à 60 % ». « Qu’ils arrêtent de nous dire qu’il n’y a pas d’argent pour satisfaire l’urgence sociale », a lancé le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.
Polémique « minable », a rétorqué le patron du Medef Geoffroy Roux de Bézieux. « Opposer les vieilles pierres aux hommes c’est ridicule dans la mesure où ces pierres nourrissent les hommes », avec les années de travail assurées par ce chantier aux « tailleurs de pierre, couvreurs et charpentiers », a défendu Stéphane Bern, l’animateur de télévision chargé de la mission et du Loto du patrimoine.
Le chantier dans ce bijou de l’art gothique, qui faisait l’objet d’importants travaux depuis plusieurs mois, s’annonce titanesque. Après 15 heures de mobilisation de quelque 400 pompiers, les portes ouvertes de Notre-Dame ont dévoilé mardi une scène de désolation : en s’effondrant, le toit, la charpente et la flèche ont jonché l’intérieur de la cathédrale de monceaux de débris calcinés.
Les deux tours emblématiques de la façade ouest ont en revanche été épargnées, et le coq de la flèche a été retrouvé. La couronne d’épines et la tunique de Saint Louis, deux objets extrêmement importants pour les catholiques, ont pu être sauvées, comme plusieurs œuvres d’art, mais certaines n’ont pas pu être déplacées et restent étroitement surveillées par les pompiers.
« Globalement, la structure tient bon » mais des « vulnérabilités ont été identifiées notamment au niveau de la voûte », selon le secrétaire d’État à l’Intérieur Laurent Nuñez. L’enquête s’oriente vers « la piste accidentelle », a précisé le procureur de Paris, Rémy Heitz. Une trentaine de témoins – des ouvriers présents lundi et des employés chargés de la sécurité de l’édifice – ont déjà été entendus et d’autres le seront mercredi. De Donald Trump à Vladimir Poutine en passant par le président chinois Xi Jinping, le drame a provoqué une vive émotion sur le globe.
En Angleterre, les cloches des églises ont résonné mardi soir, tandis que celles des cathédrales françaises tinteront mercredi à 18H50, heure du début de l’incendie, intervenu au premier jour des célébrations de la Semaine sainte qui mène à Pâques, principale fête chrétienne.
Le bâtiment est mondialement connu pour son architecture mais aussi grâce au chef-d’oeuvre de Victor Hugo, « Notre-Dame de Paris », roman maintes fois adapté au cinéma, notamment par les studios Disney, ou en comédie musicale. Le livre était mardi en tête des ventes sur Amazon.