Le 7ᵉ arrondissement s’ouvre au tertiaire

Le 7ᵉ arrondissement s’ouvre au tertiaire

À quoi ressemblera le 7ᵉ arrondissement de Paris dans quelques années ? L’un des quartiers les plus huppés de la capitale traîne derrière lui une longue tradition de lieux avant tout résidentiels, jalonnés d’hôtels particuliers, dont plusieurs occupés par des administrations publiques et quelques sièges de partis politiques (Parti socialiste, Modem). Mais la donne change…

Pour des raisons d’image et/ou pour s’adapter aux nouveaux standards des espaces de travail, les institutions publiques et politiques établies dans le 7 eme arrondissement de Paris ont déserté depuis une quinzaine d’années les lieux emblématiques qu’elles occupaient. Exit, par exemple, le Parti socialiste, dont le mythique Solférino servira de siège social au nouvel acquéreur Apsys, ou la Région Île-de-France qui a cédé ses locaux à AG2R La Mondiale pour 176 M€. De son côté, l’État a entamé un cycle de cessions de certains biens dès le milieu des années 2000, qui a atteint son apogée ces derniers temps.

Pour les remplacer, plusieurs entreprises ont choisi de s’installer dans le 7ème arrondissement comme Kering, Capital Fund Management, Alcatel ou Boston Consulting Group. Le quartier attire également des start-up, comme par exemple Winamax au 136 bis rue de Grenelle, ou l’entreprise Châteauform’ qui a construit un site rue Saint-Dominique. Ces entreprises nouvellement arrivées ont principalement essaimé le long de la Seine sur une bande d’environ 500 m, jusqu’au niveau du carrefour rue du Bac/boulevard Saint-Germain. C’est ainsi qu’en l’espace de 15 ans, la partie nord du 7earrondissement est devenue un appendice du QCA.

« L’arrondissement est clairement un secteur de repli du 8 arrondissement »,

résume Cyril Dubourg, fondateur du cabinet de conseil Red Swan.

L’ancien siège de la région Île-de-France, 35 boulevard des Invalides, a été cédé à AG2R La Mondiale pour 176 M€ – © DR

Une évolution progressive

Ce changement, le 7 l’a opéré en grande partie grâce aux cessions menées par l’État, qui ont nettement agi comme un déclencheur. « Dès lors, les utilisateurs ont pris conscience que la rive gauche pouvait receler des actifs de très belle facture, très bien rénovés, disposant de commodités d’accès très satisfaisantes autour des Invalides et de l’Assemblée nationale », analyse Arnaud Pomel, président de Raise REIMet anciennement directeur général de la Foncière des 6e et 7e arrondissements. « Lorsque ce quartier était encore dédié aux ambassades, aux sièges de partis politiques, aux ministères et aux institutions publiques, il y avait peu de bureaux disponibles à la location, surtout aux standards modernes, contrairement à ce que l’on peut trouver dans le Triangle d’or », poursuit-il.

Des contraintes réglementaires peuvent également expliquer cette inertie autour du bureau. « À Paris, la réglementation sur l’usage protège fortement le logement et rend sa transformation en bureaux difficile, voire onéreuse. À partir du moment où il n’y avait que peu de foncier disponible, il était compliqué de développer des bureaux dans un secteur marqué par le résidentiel haut de gamme, explique Nathalie Filbet-Fournis, notaire associée de l’étude Allez & Associés. Ces ventes ont apporté des surfaces qui n’avaient pas besoin d’un changement d’usage, bien qu’elles aient nécessité des restructurations pour s’adapter aux standards tertiaires actuels. »

Ainsi, un des premiers immeubles cédés fut à la limite des 6 et 7 arrondissements : au 173 boulevard Saint-Germain, presque à l’angle de la rue des Saints-Pères, Ralph Lauren est devenu propriétaire de ce qui allait devenir un flagship de sa marque. « Le premier actif que nous avions acquis auprès de l’État était le 24 rue de l’Université, l’ancien secrétariat d’État aux PME, qui est devenu un studio Yves Saint Laurent qui y a installé des espaces de showrooms, des services commerciaux et des ateliers », se remémore Arnaud Pomel.

Cette vague s’est poursuivie tout au long des années 2010. Parmi les opérations significatives, le 103 Grenelle, ancien siège de l’Administration des lignes télégraphiques (17 000 m2) a été restructuré en 2009 puis loué par la Société foncière lyonnaise à Molotov (1 375 m2) en 2016 et à Calvin Klein (1 500 m2) en 2017. L’ancien hôtel des Douanes au 23-25 rue de l’Université (12 000 m2), restructuré en 2010, a été pris à bail par Yves Saint Laurent (1 200 m2) et par le cabinet McDermott Will & Emery(1 000 m2) en 2016. L’hôtel de Montmorency, ancien siège de Natixis (14 000 m2), a quant à lui été restructuré en 2012. En 2014, la Foncière des 6e et 7e arrondissements avait mis la main sur l’abbaye de Penthemont (37-39 rue de Bellechasse) – désormais au portefeuille de Gecina – entièrement louée à Yves Saint Laurent. En février dernier, Raise REIM a remporté l’appel d’offres pour la cession de l’hôtel de Vogüé, ancien siège du Commissariat général au plan, dont près de 3 000 m2 seront réhabilités en bureaux.

En février dernier, Raise REIM a remporté l’appel d’offres pour la cession de l’hôtel de Vogüé, 18 rue Martignac, ancien siège du Commissariat général au plan, dont près de 3 000 m2 seront réhabilités en bureaux – © Raise REIM 

Investisseurs et utilisateurs, une question d’image

Si le volume des investissements est difficile à chiffrer, la recrudescence des cessions de la part de l’État est manifeste. « Cela se chiffre en milliard d’euros sur les dix dernières années », avance Cyril Dubourg. S’agissant du profil des investisseurs, le panorama est très divers. Il s’étend des utilisateurs-investisseurs, parmi lesquels on retrouve des grandes maisons de luxe intéressées pour devenir propriétaires de leurs locaux, aux grandes foncières françaises. Les investisseurs originaires du Moyen-Orient regardent de près le 7e arrondissement, comme en témoigne l’acquisition de l’ancien état-major de l’armée par des Qataris en juillet pour un montant probablement supérieur à 300 M€. « Les acteurs du Golfe portent leurs intérêts d’investisseurs essentiellement sur les gros volumes, peu sur les hôtels particuliers de 2 000 à 3 000 m2 », précise Cyril Dubourg. Des particuliers fortunés issus de grandes familles ou de la nouvelle économie sont aussi représentés parmi les acquéreurs potentiels.

Pour les entreprises qui installent leur siège ou leur flagship dans le quartier, il s’agit avant tout d’une question d’image. En effet, le 7 arrondissement garde une connotation luxe, et les utilisateurs comme les investisseurs présents sur ce secteur

« sont en recherche de biens emblématiques, se démarquant des actifs traditionnels, même “prime”, du 8 arrondissement », rapporte Cyril Dubourg.

« La qualité du bâti sert d’outil de communication aux entreprises capables de payer un loyer “prime” », ajoute Arnaud Pomel. Le loyer « prime » à la location s’établit bien au-dessus de 800 € HT HC/m/an.

L’ancien état-major de l’armée française a été acquis par des Qataris en juillet dernier pour un montant probablement supérieur à 300 M€ – © DR 

Plus de vie de quartier et de mixité

La transformation du 7ème arrondissement semble s’être faite de façon plutôt « harmonieuse », surtout comparativement à l’évolution du 6ème arrondissement voisin. L’arrivée des activités tertiaires privées a alimenté la vie de quartier, notamment via la restauration et les commerces de bouche, tandis que le 6ème a vu le départ des librairies sur le boulevard Saint-Germain au bénéfice de grandes enseignes, ce qui avait marqué négativement les riverains à l’époque.

D’autre part, « contrairement au fonctionnement plutôt replié sur elles-mêmes des administrations, les biens cédés auront vocation à être plus ouverts : les restructurations d’îlots vont apporter plus de perméabilité avec la ville », note Cyril Dubourg. Des restructurations d’immeubles classés au patrimoine des Monuments historiques pour la plupart, nécessitant des investissements conséquents « qui n’auraient pas pu être entrepris en l’absence des utilisateurs prêts à payer des hauts niveaux de loyers », selon Arnaud Pomel. Les opérations se sont, en outre, étalées dans le temps. « Le phasage des cessions de l’État a probablement aidé à cette meilleure infusion du changement en distillant progressivement sur le marché ces dizaines de milliers de mètres carrés de bureaux à restructurer », souligne Nathalie Filbet-Fournis.

En plus de favoriser l’ouverture de lieux jusqu’alors fermés, les nouveaux projets issus de ces acquisitions apportent plus de mixité au 7 arrondissement. L’un des programmes emblématiques actuels est le campus Sciences Po sur l’hôtel de l’Artillerie, situé place Saint-Thomas-d’Aquin. Celui-ci vise à regrouper dans un campus de style « oxfordien » une grande partie des pôles d’enseignement de l’institution, historiquement disséminée sur plusieurs sites du 7. Le regroupement avait démarré avec la prise à bail de l’ancien hôtel de Fleury, siège de l’École nationale des ponts et chaussées (26-28 rue des Saints-Pères), que les Foncières des 6 et 7 arrondissements avait acheté à l’État en 2008.

Par ailleurs, le projet Raspail/Bac/Grenelle développe 5 000 m de commerces, 4 800 m de logements et 1 500 m de jardins et promenades. « De grands projets hôteliers verront probablement le jour, ce qui va à l’encontre de l’historique de l’arrondissement, puisque les grands palaces se concentrent plutôt autour des boutiques de luxe », ajoute Cyril Dubourg. « L’arrivée et/ou l’extension sur les dix dernières années de grandes enseignes, comme Hermès ou Céline, et les travaux de rénovation du Bon Marché constituent une zone de shopping haut de gamme. C’est un des éléments qui entraîne cette tendance au développement de l’hôtellerie de luxe », complète Arnaud Pomel.

Concernant les perspectives du marché immobilier du secteur, Arnaud Pomel pense qu’il « restera un micromarché évoluant au gré des cessions ». Cependant, l’ensemble des grandes cessions immobilières déjà actées fera émerger d’ici trois à cinq ans le nouveau visage du 7ème arrondissement de Paris.

« Lorsque l’ensemble de l’offre locative sera sur le marché dans quelques années, il sera intéressant de voir les changements de stratégie des entreprises sur leur implantation, souligne Cyril Dubourg. D’autant qu’une réalité s’impose au QCA : il est de plus en plus congestionné, voire saturé.»